« Femme , vie, liberté », « Femme , vie, liberté », « Soyons leurs voix », « Soyons leurs voix »…
Voila plus de dix jours que l’Iran et secoué et se soulève. Que Stories et autres statuts relayent tour à tour les magnifiques visages de Masha Amini, Hadis Najafi, Ghazale Chelavi ou encore que des vidéos nous montrant la réalité des émeutes et du soulèvement nous parviennent sans cesse. Aussi, ma-t-on plusieurs fois demandé d’aborder ce sujet ces jours derniers lors de différents cours ou diverses occasions. Je ne m’y suis gère attardé et ai même refusé d’en parler à une occasion. Ceci par respect, n’en ayant aucunement la légitimité.
En effet, je ne connais ni l’Iran ni sa réalité quotidienne. Tout ce qui m’est connu de ce pays, son peuple ou sa culture, n’est rien d’autre que le fruit de diverses lectures, écoutes, études ou maigres recherches personnelles ou très rares rares rencontres faites ces cinq dernières années grâce à l’exercice de mon métier de professeur de français. Parmi ces rares rencontres d’exilés aux quatre coins du monde, quelques-unes sont à mes yeux parmi les plus belles et les plus précieuses qu’il m’est été donné de faire ces dix dernières années. Je tiens ici à le souligner avec honnêteté. Quelques- uns de mes tous premiers élèves étaient originaires d’Iran. Certains sont allés et d’autres restés.
En ce début d’année, j’ai fait paraitre un opuscule en partie consacré à l’Iran et aux prémices de sa relation avec les Etats-Unis. Un texte synthétisant très sommairement quelques lectures faites dans le cadre d’un cours en automne 2019. Un cours qui m’avais fait prendre conscience du rôle, souvent plus que trouble et à peine voilé ( c’est l’occasion de l’écrire…) , joué par les gouvernements successifs de mon pays (à l’image d’autres puissances occidentales) dans ce qui était advenu en Iran. Ce qui, bien-sûr, n’exonère en rien les régimes iraniens, que ceux-ci soient impériaux ou démocratiques.
Qu’il me soit permis de rappeler que les vocables « démocratie » et « république » ne sont pas synonyme et ne vont pas non plus obligatoirement de pair ( ce que certains peuvent parfois légitimement oublier). Aussi, tout régime politique constitué, quel qu’il soit, peut opprimer un peuple faisant société et ce de quelque façon. Enfin, loin de considérations purement grammaticales, rappelons que « répression » et « oppression » ne s’écrivent pas exclusivement au féminin et sont par excellence « non genrée » comme diraient certain.e.s….
Dans nombre de pays ce sont femmes, hommes, enfants, jeunes, moins jeunes, vieillards, handicapés, inaptes ou autres que l’on opprime, que l’on réprime. Les Iraniennes ( comme les Afghanes, par exemple) paient depuis longtemps un bien lourd tribu et ce, au même titre que l’ensemble des Iraniens ( qu’ils soient au pays ou non, car, au fond, aucun de devrait avoir un jour à fuir et quitter son pays sans autre alternative.). Leur sort est tristement mis en avant actuellement, mais n’oublions pas qu’il est également partagé. C’est un peuple tout entier, ou presque, qui souffre d’une forme de régime et de sanctions internationales imposées.
Aussi, voudrais-je volontiers « être sa voix » ou « leur voix ». Une voix faisant échos à celles de pas moins de 84 millions de personnes. Seulement, voilà : je fume, beaucoup. Je n’ai plus de souffle. Je suis bien trop désabusé et l’Histoire m’a appris qu’il fallait parfois savoir la fermer.
A défaut de pouvoir dire que Masha Amini , Ghazale Chelavi et Hadis Najafi (entre autres) sont les dernières, j’aimerai pouvoir me montrer naïf et ardemment ne pas me tromper en écrivant qu’elle furent assurément « parmi les dernières ».
Je conclurai en adressant une sincère pensée aux Iraniens et Iraniennes qu’il m’ait été donné de rencontrer, d’aider à manière jusqu’à aujourd’hui, ainsi qu’à leurs familles.
Je ne peux et ne dois être votre voix.
C’est en silence que j’écris cette chimère : « Peuple , vie, liberté »
Xavier Fluet